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La lumière

Arrêt sur image, la silhouette figure le corps, sa dés-incarnation, ou peut-être son absence. Elle avance avec une virtuelle apparence. Dénuée de corporéité, elle se détache de sa matérialité et se relie par juxtaposition à l'autre par d'elle-même qui est aussi un autre, différent, étranger et semblable. Dans ce je/jeu de l'autofiction il y a du renversement, et de la mise en abîme de la condition humaine. L'homme devra peut-être de survivre par le dédoublement entre dedans/dehors. Dans une vision futuriste, se détachant de son enveloppe charnelle, s'éloignant des contingences matérielles qui l'amène à détruire il affirme la prééminence de l'esprit.

A.CLIF super-pose, inter-cale des feuilles de calques, des fragments de peau. Dans la transparence elle intervient en double face et face à face. Envers contre endroit elle tente de fixer ou figer l'évanescence des êtres. Dans cette tentative de stratifier l'invisible, l'artiste capte les vibrations des couches infra-minces, translucides. Elle impulse le mouvement, comme une syncope avant la marche, lorsque le film commence.

Lorsqu'elle prend le parti de dupliquer à l'infini cette représentation du corps, l'effet de répétition et de défilement du sujet participe de la des fragmentation d'une planche contact. La silhouette se dédouble, se multiplient et par là-même avance. Le défilement des images et leur succession entraîne une sorte de dynamisme et de perception optique qui engage l'homme à se diriger vers une nouvelle forme de société.

Bernadette Clot Goudard

Depuis plusieurs années, les préoccupations d'A.Clif se situaient dans une approche cosmique de l'appréhension du monde. Son territoire d' expérimentation convoquait les éléments, à la rencontre, voire même la fusion, des forces telluriques, minérales, astrales, invitant le spectateur à pénétrer dans un questionnement spirituel du monde.
Les procédés techniques employés, collages, grattages, combustion, larges aplats de blancs, masses argileuses, ferrugineuses, peintures flottantes, macrophotographies, déclinaient un vocabulaire matiériste pour mieux sonder l'immatériel, l'infini de l'univers.
Aujourd'hui, sa vision du sublime, sa fascination pour la nature sont toujours intactes,

La longue période de confinement et de repli sur soi que nous avons subie, la mise à jour des dangers planétaires liés à la surconsommation et la mondialisation ont amené A.Clif explorer d'autres champs, proches de la terre nourricière, jugés prosaïques par certains, mais indispensables à notre survie
Au hasard de ses promenades, sur des chemins familiers, en compagnie de personnes initiées, elle a découvert un nouveau monde, celui du végétal, plus exactement, celui de ces herbes sauvages comestibles, succulentes qualifiées de simples, passant souvent inaperçues, que l'on piétine avec désinvolture, dont les recettes s'élaborent dans le secret des cuisines pour le plaisir de nos papilles.
Elles ont été oubliées, méprisées, éradiquées au profit de l'agriculture mécanisée qui dévaste nos paysages naturels, alors qu'elles sont un espoir pour l'humanité.
A.Clif met au service de sa pratique artistique, sa connaissance de ces plantes, leur diversité, leurs vertus médicinales, nutritives et créatives. Dans le sillage d'Herman de Vries, elle prélève des éléments de nature, réalise des photographies, cyanotypes, collages, superpositions, peintures flottantes, qu'elle confronte avec ces précédents travaux. Elle trouve des analogies, organise des dialogues, associe des contraires, relie les processus d'évolution ou de métamorphoses.
Dans l'exposition, la place du minéral est aussi essentielle que celle du végétal. La pierre qui provient de la roche ou de la falaise devient gravier, sable et poussière comme la feuille et la fleur s'élèvent de la tige qui s'enracine dans le sol et s'en nourrit. La plupart des œuvres présentées laissent apercevoir la trace, l'empreinte, la membrane de la feuille ou de la fleur, la fissure ou l'échancrure de la roche ou de la paroi, la ride ou la plissure de la peau comme autant de mystères à sonder, de mémoires à retrouver. Des éclats de lumières, des iridescences, des fibrillations, le jeu des transparences et de la dilution traversent les œuvres.
Si elle ne se détache pas d'une approche sensible et romantique de la nature comme chez Novalis ou Thoreau, une sorte de nostalgie de la guérison du monde se dégage de ce corpus de créations, mais l'artiste ne cherche t'elle pas également à aiguiser notre conscience, face à la fragilité de notre environnement naturel? 
Dans son essai : l'avenir des simples l'écrivain et poète jean Rouaud, sollicite notre capacité à résister pour un monde meilleur, á reconquérir notre territoire, changer notre alimentation, retrouver les savoirs-faire des monastères médiévaux. N'est-ce- pas de cela aussi dont il s'agit dans cette exposition qui, tout en finesse et frémissements, nous invite à cheminer, contempler la nature, être attentifs à ses cycles et cueillir ce qui se trouve juste là, sous nos pas, à portée de main.  
Face au développement mortifère de notre société Anne -Claude Ferdinand propose une nouvelle culture de la nature, écologique, hollistique et universelle capable de répondre aux enjeux environnementaux qui menacent notre planète.

Quelle est la nature de ce luxe qui amollit et détruit les nations. sommes nous surs que notre propre vie n'en souffre pas? 

Henry D. Thoreau, Walden ou la vie dans les bois,